Radio-Lyon s’implante
1928-1934

Encore une menace grave pour le poste de RADIO LYON lorsqu'il est mis dans l'obligation de cesser ses émissions "dans le délai d'un mois à compter du 1er Janvier 1928". La lettre de mise en demeure est signée de Marcel Pellenc, Ingénieur-Directeur de la radiodiffusion, personnage très attaché au monopole d'Etat. La plupart des stations privées françaises sont dans le même cas; aussi une intervention de la Fédération française des postes privés est faite auprès du Ministre Maurice Bokanowski. Elle aboutit d'abord au maintien de la situation antérieure puis au décret du 7 juillet 1928 autorisant officiellement Radio-Lyon et 12 autres stations privées. Malgré les efforts de redressement, la situation financière est toujours préoccupante. Une nouvelle augmentation de capital est faite et aboutit à des bouleversements considérables. Le 13 décembre 1928, il apparaît qu'un seul actionnaire détient plus de 90% du capital. Il s'agit d'un constructeur de matériel de T.S.F. d'Asnières: Gérard Israël Kraemer. Il représente en fait Pierre Laval, ancien ministre, futur président du conseil. Le 28 décembre 1928, Jean Claude Dubanchet se retire avec son équipe. Hommage sera rendu plus tard à ce pionnier clairvoyant et courageux. Le nouveau directeur se nomme Adolphe Anglade. Il est journaliste et a été animateur de Radio-Toulouse. Pierre Laval qui l'a choisi lui accordera toute sa confiance pendant de nombreuses années.

Pour la première fois, le bilan n'est pas déficitaire fin 1929 malgré plusieurs innovations intervenues. D'abord la mise en service d'un "pick-up". Il est enfin possible de diffuser les disques dans de bonnes conditions. Ensuite l'utilisation des circuits téléphoniques des PTT pour retransmettre en direct des spectacles parisiens de théâtre ou d'opéra. Enfin l'émission deux fois par jour des signaux du "Bélinogramme" qui donne le moyen à certains amateurs équipés d'un "Bélino" de recevoir sur papiers des images d’actualité.

Radio-Lyon va s'intégrer définitivement à la ville en Novembre 1930, à l'occasion de la catastrophe de Fourvière. Un glissement de terrain envahit plusieurs maisons au bas de la colline et entraîne la mort de 16 des habitants, puis de 23 des sauveteurs. Radio-Lyon à la disposition du maire, Edouard Herriot, diffuse des bulletins d'informations, installe une sonorisation pour aider les secours, ouvre une souscription. Le temps d'émission journalier est porté à sept heures dans le courant de l'année 1931.

L'augmentation de puissance de l'émetteur apparaît de plus en plus comme une nécessité. Il convient d'être entendu mieux et plus loin pour multiplier le nombre des auditeurs, donc convaincre les publicitaires et ainsi améliorer les revenus. La demande faite à l'administration au début de 1929 reçoit une réponse favorable en septembre 1931.

La première étape du plan d'amélioration consiste en l'installation d'un émetteur expérimental dans un local "de l'usine de fabrication des lampes FOTOS'GRAMMONT située Clos Bissardon sur Caluire et Cuire, 12 rue de Verdun à l'angle de la rue de l'oratoire." La puissance souhaitée pour l'émetteur définitif était de 60 kW, mais il ne fut semble-t-il jamais possible de dépasser ici 40 KW. L'antenne est tendue entre un mât métallique et la grande cheminée de l’usine.

Cette installation en pleine zone habitée n'est pas sans inconvénients. Monsieur Paul Mulet, fils du technicien qui, à l'époque, assure les émissions et les modifications se souvient : "Cette antenne trop basse était la cause de certains phénomènes. Ainsi la nuit, pendant les émissions, on pouvait voir le toit de l'usine irisé d'aigrettes lumineuses, de même que le disque qui passait à l'antenne était reproduit, fort déformé bien sûr, par la toiture. Il y avait plus désagréable pour les habitants du quartier. Dans un certain périmètre, les lampes d'éclairage des appartements se mettaient en veilleuse et lorsque ces gens allaient à leur robinet d'eau, ils prenaient une décharge électrique dans la main, pas dangereuse mais fort désagréable. Il y avait alors des plaintes à la Mairie. Soucieux du bien-être de ses administrés, Monsieur Peyssel, Député Maire de Caluire demandait à la Compagnie fournissant l'énergie électrique à RADIO LYON, de couper le courant. RADIO LYON était en panne. Pierre Laval, Président du Conseil à l'époque, étant un des principaux actionnaires de RADIO LYON, le Directeur technique, M. Lazare, téléphonait au Ministère et, par retour, le ministère donnait l'ordre à la Compagnie d'électricité de rétablir le courant à RADIO LYON. Il y avait parfois une autre cause de panne. Le nœud de tension de l'antenne était isolé de la cheminée par un chapelet de tibias en quartz de 7 mètres de long. Les jours de mauvais temps, lorsque l’atmosphère était chargée de bruine, de crachin, une décharge arrivait à s'amorcer faisant fondre les 7 mètres d'isolateurs comme de l'eau. RADIO LYON était en panne. Alors la course commençait pour relever l'antenne et remettre une chaîne d'isolateurs afin de reprendre au plus vite l'émission".

Le programme de la journée est toujours transmis par la petite installation de la rue de Marseille. L'émetteur de Caluire travaille le soir et la nuit, la propagation des ondes moyennes (287,6 mètres à l'époque) étant comme on le sait très bonne après le coucher du soleil. RADIO LYON est alors entendu non seulement en ville et dans la région, mais encore dans toute la France et une partie de l'Europe. Les lettres d'approbation et de soutien venant souvent de loin ne manquent pas.

Les émissions expérimentales cessent le 30 Septembre 1932. L'installation de la rue de Marseille continue seule à diffuser les programmes de jour et de nuit, mais les grands projets ne sont pas abandonnés et il faut passer à l’étape suivante.

Pour éviter les inconvénients dont nous venons de parler, dus à la proximité d'un émetteur puissant, pour ne pas gêner les Lyonnais dans l'écoute de postes lointains, il est nécessaire de prévoir l'implantation future hors agglomération et à quelques dizaines de kilomètres du centre ville. Les essais effectués dès le mois de Novembre 1931 par le Radio-club de Lyon font désigner le site de St-André-de-Corcy sur le plateau de la Dombes dans l'Ain à vingt kilomètres de la place Bellecour. Le terrain est favorable à la "radiation et la conductibilité.... Les expériences ont été concluantes. L'examen de la carte géologique de la région montre d'ailleurs que le terrain est d'une homogénéité remarquable dans un très grand rayon constitué par des limons argileux mélangés d'humus". Un câble de 27 kilomètres "en double queue de rat" est commandé chez "Siemens" pour relier les studios de la rue de Marseille au nouvel émetteur.

L'autorisation attendue n'est accordée par décret que le 9 Octobre 1934 et à l'époque, hélas, il n'est plus question d'installer RADIO LYON dans le secteur prévu. La place est prise par la belle et puissante station d'Etat de "Tramoyes". C'est alors qu'est acheté un terrain sur la commune de Dardilly en un lieu proche de l'agglomération de La Tour-de-Salvagny.

 

Adolphe Anglade
Directeur
de Radio-Lyon
José Mas
Directeur artistique
et speaker
de Radio-Lyon
Radio-Lyon en reportage
Monsieur Laupin


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L’âge d’or de Radio-Lyon
1934-1939

Le nouvel émetteur situé à 15 Kilomètres du centre de Lyon est construit en un temps record. Le piquetage du terrain commence en Avril 1935. Début Octobre, l'installation étant terminée, ont lieu les premiers essais.

Les plans sont l’œuvre de l'architecte lyonnais G. Deveraux. Une construction relativement massive, mais aux lignes élégantes avec ses grandes baies verticales, abrite les installations techniques. Un escalier extérieur monumental donne accès au deuxième niveau. En grosses lettres argent sur fond rouge, l'inscription RADIO LYON sur le bandeau supérieur, renseigne à distance les passants sur la destination des lieux.

Le personnel permanent est logé dans un petit immeuble édifié sur le même site. Entre les deux bâtiments au milieu d'un jardinet à la Française, se trouve un bassin octogonal de 120 mètres cubes dont l'eau est destinée au refroidissement des puissantes lampes d'émission. Il est alimenté par un château d’eau.

Un large portail à deux battants en gros tubes de fer, de style très moderne, désigne l'entrée de la propriété et s'ouvre pour ceux qui sont autorisés. A nouveau, l’inscription RADIO LYON.

L'antenne plantée au milieu du terrain est visible de loin, car elle mesure 107 mètres. Elle est peinte alternativement en rouge et blanc. Des lampes colorées la signalent la nuit. Elle est composée d'un pylône de 100 mètres complété dans sa partie supérieure par un tube de 35 mètres réglable pour modifier la hauteur totale. Il est ainsi possible de l'ajuster très exactement en fonction de la longueur d'onde qui peut devoir être changée. Ce pylône à quatre côtés, en barres de fer profilées, à l'aspect de deux pyramides très allongées accolées par leurs bases. Son armature est recouverte de fils de cuivre pour faciliter la radiation. Sa largeur est de 0,40 m. aux extrémités et de 6 mètres au centre. C'est le premier de ce type construit en France. L'ensemble est maintenu par quatre haubans fixés à mi-hauteur du pylône et repose sur un très robuste isolateur en porcelaine (capable de supporter une pression de 200 tonnes). Cette antenne verticale, "vibrant en demi onde" est du type dit "Blaw-Knox", conception d'origine américaine, elle évite les variations de propagation la nuit, l'évanouissement temporaire à la réception connu sous le nom de "fading".

La prise de terre située sous l'antenne a 90 mètres de côté, elle est constituée de bandes de fils de cuivre enterrés à 0 m 60.

Le matériel d'émission très perfectionné pour l'époque est conçu, livré et monté par la S.F.R. La mise au point est assurée par Monsieur Jarre, ingénieur en chef de la station.

E - Bâtiment de l'émetteur.
P- Pylone-antenne de 107 mètres avec ses haubans.
B - Bassin décoratif utilisé pour le refroidissement des lampes.
H - Habitation du personnel.
Le Plan général des installations
du nouveau Poste de "Radio-Lyon"

"La Vie Lyonnaise" du 5 octobre 1935 fait la description suivante : "L'émetteur de la Tour-de-Salvagny est alimenté en courant électrique à 10.000 volts par l'une quelconque des trois stations de Tassin, Rochetaillée et Civrieux. Deux transformateurs de 150 kilowatts ramènent la tension à 220 volts. Au rez-de-chaussée du bâtiment d'émission, nous trouvons 4 groupes de convertisseurs rotatifs pouvant fournir les courants continus à faible et haute tension destinés à l'alimentation des filaments et de la tension plaque des lampes des petits et moyens étages. A côté, voici un transformateur alimenté en 220 triphasé et à la sortie duquel on recueillie du courant haute tension dodécaphasé, c'est à dire à douze phases; lequel est envoyé dans un groupe de 4 redresseurs à vapeur de mercure. Grâce à cet artifice de multiplication des phases, le courant redressé à 15.000 volts ainsi obtenu est à peine ondulé et le filtrage en est grandement simplifié. Ce courant continu est destiné à la tension plaque des deux lampes du dernier étage de puissance. Toujours au rez-de-chaussée, voici le réservoir d'eau distillée destiné au refroidissement des lampes de puissance et à côté l'échangeur de température dans lequel cette eau distillée se débarrasse de ses calories au profit de l'eau du bassin. Le refroidissement de cette dernière est facilité par une arrivée en jet d'eau dans le bassin. L'eau distillée se trouve à 15.000 volts lorsqu'elle est en contact des lampes et à zéro dans l'échangeur de température; aussi prévoit-on sur son circuit un double serpentin de porcelaine de plusieurs spires de 1 mètre de diamètre et dont chacune représente une longueur de 12 mètres. Il est à remarquer que ces serpentins d'une seule pièce constituent de très remarquables pièces de céramique."

Pylône de 100 mètres
et tube réglable de 35 mètres
Isolateur de
base du pylône

 

"Montons au premier étage; nous y trouvons le meuble des petits étages d'amplification, celui des étages intermédiaires avec le quartz qui sert à stabiliser la longueur d'onde à 1/10.000 près. Pour atteindre une précision aussi élevée dans la constance de la fréquence, ce quartz doit être soustrait aux influences extérieures; aussi est-il enfermé dans une enceinte maintenue à température constante par un dispositif thermostatique. Au premier étage se trouvent encore le meuble des étages de puissance et le pupitre de commande. "

"Bien entendu, tout a été prévu pour assurer une sécurité de marche aussi élevée que possible et pratiquement totale. Chaque fois que cela a été nécessaire, on a disposé des disjoncteurs, des fusibles, des résistances de sécurité, des relais, des thermostats permettant de vérifier une bonne réfrigération des lampes... etc. Pour les mêmes raisons le pupitre de commande est entièrement automatisé et les différents organes de l'émetteur ne peuvent être mis en route que dans un ordre bien déterminé. "

"Du bâtiment d'émission partent deux feeders qui aboutissent à une petite cabine située au pied de l'antenne. Ces feeders sont constitués par deux tubes de cuivre concentriques, l'extérieur étant à la terre."

"La puissance du nouvel émetteur de Radio-Lyon est de 25 kilowatts dans l'antenne. La longueur d'onde reste fixée à 215 mètres. Deux câbles spéciaux de modulation et de conversation le réunissent aux studios de la rue de Marseille. Ceux-ci ont été entièrement réinstallés, il y a plusieurs mois déjà.., les orchestres les plus importants sont à leur aise, une galerie étant réservée au public et aux chœurs."

"Le poste de La Tour-de-Salvagny peut également recevoir la modulation par câble téléphonique de tous les points de la région pour la retransmission des concerts et le radioreportage de manifestations locales et régionales. "

La station est entendue non seulement dans la région, mais encore dans toute la France, en Europe jusqu'en Pologne, en Afrique du Nord et même en mer jusqu'à Terre-Neuve. "Des milliers de lettres... témoignent... en faveur de la parfaite modulation et de la puissance du poste."

"Radio-Lyon émet tous les jours de 12 h. à 13 h. 30, de 15 h. 30 à 16 h. 30 et de 18 h. à 23 h. 30. Trois émissions par jour donnent aux auditeurs les dernières informations à 12 h. 30, à 19 h. 40, à 22 h. 30. "Les informations qui alternent avec de courtes annonces publicitaires, comprennent les dernières dépêches parvenues à l'heure de la diffusion."

Trois "speakers" se partagent le micro. Le plus ancien est José Mas qui assume également la fonction très importante de Directeur Artistique. Il est secondé par Mademoiselle Marie-Louise Page et Monsieur Le Prince.

André Jarre
Ingénieur en chef
de Radio-Lyon

Nouvel émetteur de
Radio-Lyon Dardilly

La soirée dramatique où les comédies modernes occupent une large place a lieu le Lundi à 20h. 30. La soirée du Jeudi est réservée à l'opérette. Le Mardi, le Vendredi et le Dimanche se produit l'orchestre de la station dirigé par Monsieur Camand. Le Samedi est retransmis un concert donné dans une salle de la ville. Les grands artistes où vedettes de passage sont reçus. Les nombreuses sociétés musicales et chorales, très estimées du public lyonnais ont leur tour. Les reporteurs avec tout leur matériel sont présents dans les principales manifestations de la région. Le Dimanche à midi et pendant une demi-heure, le micro est mis alternativement à la disposition des cultes Catholique et Protestant. Les émissions enfantines sont diffusées le jeudi de 18 à 19 heures, et les émissions féminines le Mercredi de 18 heures 30 à 19 heures. Le sport tient une place d'honneur. On parle également de littérature, de médecine, d'aéronautique, d’agriculture, de bridge et d’échecs, d’histoire locale, de folklore..... Le Mercredi à 20 heures 45 on écoute toujours l'inoubliable mère Cottivet. Très souvent "le dancing" prolonge les émissions après 23 heures.

Le fait d'avoir eu pour actionnaire principal Pierre Laval, l'un des ténors de la politique de l'époque, ne semble pas avoir favorisé "Radio-Lyon". Ce poste privé apparaît même avoir été nettement moins favorisé que bien d’autres.

Plus tard Adolphe Anglade, le dynamique Directeur Général déclarera au cours d'une enquête faite dans les "années 50" par "1'Institut Hoower, Stanford University, Californie" que son supérieur lui avait recommandé "de ne jamais enfreindre les lois... de n'apporter aucune amélioration aux émissions sans avoir au préalable, obtenu des pouvoirs publics toutes les autorisations nécessaires... Cette situation... nous fut commercialement très défavorable, car Radio-Lyon, qui avait été le premier poste régional français à émettre, se trouva le dernier auquel on accorda l'autorisation d'augmentation de puissance. Ce fut l'un des deux ordres que me donna le président au cours de ces dix-sept années (de collaboration), le deuxième ayant été celui de ne jamais faire de politique au cours de nos émissions, d’informer le public sans y ajouter aucun commentaire... "

Lampes de puissance Lampe à vapeur de mercure
d'alimentation 15 000 volts.
Les convertisseurs rotatifs
d'alimentation des lampes

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