Récepteurs des " années 30 "

Un événement de grande importance se produit en mai 1931 à l'occasion de la Foire de Paris : le débarquement en force des postes Américains dits "Midgets".

Les visiteurs découvrent de nouvelles marques: PHILCO, SPARTON, ZENITH, R.C.A., EMERSON, ATWATER-KENT et bien d'autres. Ils sont séduits par la facilité d'utilisation et l'encombrement relativement réduit des appareils présentés. Tout est contenu dans un seul coffret d'ébénisterie aux formes ogivales ou contournées. Une prise de courant branchée sur le secteur... et c'est tout. Un morceau de fil caché derrière la commode sert d'antenne. Finis les accumulateurs, les chargeurs, les cadres et les haut-parleurs séparés. Trois boutons faciles à manœuvrer suffisent pour rechercher les stations, changer de bande et régler progressivement la puissance. Une sonorité nouvelle, plus grave, plus chaude plaît à l'auditeur.

Les prix sensiblement moins élevés que ceux des productions françaises mettent la T.S.F... non, désormais la RADIO, à la portée d'un éventail de clientèle beaucoup plus large.

Ces récepteurs ne sont nullement supérieurs aux nôtres du point de vue technique pure et performances, ils leur sont même parfois inférieurs en sensibilité et en sélectivité, mais ils sont beaucoup plus faciles à fabriquer en série et beaucoup plus séduisants pour l'utilisateur grâce à trois nouveautés.

- Les LAMPES "SECTEUR" à CHAUFFAGE INDIRECT. Elles ne réclament plus de source de courant CONTINU pour le chauffage, les pesants accumulateurs de 4 volts, mais se contentent du courant ALTERNATIF fourni par un petit transformateur monté dans l'appareil. Elles sont plus stables, plus aisées à régler et durent plus longtemps.

- Les CONDENSATEURS ELECTROLYTIQUES. Combinés avec les lampes "VALVES", ils permettent de remplacer sous la forme de petits tubes en aluminium pesant quelques grammes, les lourdes, encombrantes, salissantes et préoccupantes batteries de 80 volts.

- Les HAUT PARLEURS ELECTRODYNAMI-QUES. Ils rendent beaucoup mieux que leurs prédécesseurs ELECTROMAGNETIQUES les diverses fréquences musicales, en particulier les "basses". Nous les utilisons encore aujourd'hui sans modifications notables.

Le succès de cette nouvelle technique annonce la disparition des stations de réception "à batteries" que conservent néanmoins encore quelques années ceux des usagers qui ont fait un lourd investissement.

Les fabricants français ont été surpris. Beaucoup chargés de stocks de pièces détachées périmées ne peuvent supporter les pertes financières et disparaissent. Les plus solides s'adaptent rapidement et concurrencent avantageusement les productions d'outre-Atlantique. DUCRETET unit sa réputation et sa technique avec la puissance financière et industrielle de la Compagnie Française THOMSON HOUSTON. PHILIPS, importante manufacture hollandaise de lampes d'éclairage et de lampes de T.S.F., qui fabrique des récepteurs depuis 1928, installe une usine en France à BOBIGNY. Sa production a du succès. Après entente avec la "RADIOTECHNIQUE", les mêmes appareils conçus à Eindhoven sont fabriqués dans l'usine de Suresnes; toutefois ils sont insérés dans des ébénisteries différentes portant la marque "RADIOLA"...

La forme cathédrale avec le haut-parleur dans la partie supérieure de l'ogive est adoptée assez généralement, sauf pour les petits postes portatifs dits "tous courants". La recherche des stations se fait sur un disque gradué apparaissant dans une très petite fenêtre.

A partir de 1935, l'ébénisterie s'abaisse et s'étend en largeur. D'un côté se trouve le haut-parleur, de l'autre le cadran; une grande fenêtre carrée, rectangulaire ou circulaire. Sur une plaque de verre ou de celluloïd les noms des stations figurent en toutes lettres.

La fabrication de plus en plus industrialisée fait baisser les prix. Bientôt la RADIO va s'installer dans tous les foyers.



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Radio-Lyon et la télévision

Au début de l'année 1935, Radio-Lyon diffuse des émissions expérimentales de TELEVISION, avec le concours de Marc Chauvierre, ingénieur des Etablissements INTEGRA de Boulogne-sur-Seine.

Dans le journal :
"Des essais de télévision à radio-Lyon. Dans les studios modernes de Radio-Lyon, rue de Marseille, le Directeur, M. Anglade, qui ne recule devant aucune concession au progrès, nous avait conviés, hier matin, à assister à des essais de télévision présentés par l'ingénieur parisien Chauvière. M. Anglade a donc décidé que Radio-Lyon, après une nouvelle mise au point, transmettrait régulièrement des scènes de télévision."

Caméra "Flying-spot", système Chauvierre.
Radio-Lyon - 1935

Il s'agit encore de "télévision mécanique". La caméra système Chauvierre dite "Flying spot" employait un "disque de Nipkow" équipé de 30 lentilles de verre de 20 mm de diamètre. Une lampe de 500 watts logée dans un boîtier était fixée à l'arrière du disque. Lorsque l'appareil fonctionnait, un fin pinceau lumineux se déplaçant à grande vitesse, de haut en bas par lignes successives éclairait toute la surface de l'image animée à transmettre. La lumière réfléchie par les diverses parties de cette image était captée par quatre cellules photoélectriques placées à l'avant de la caméra. Le signal électrique (VIDEO) ainsi engendré par les cellules était amplifié et transmis à l’émetteur.

Bati récepteur de Télévision
marque "Intégra" de 1933
avec disque de Nipkow et lampe néon.

 

A certaines heures de la journée, les auditeurs fidèles n'entendaient plus la voix des speakers ou la musique, mais des séries de claquements mystérieux. L'amateur passionné remplaçait alors le haut-parleur de son poste récepteur par un dispositif livré contre 1.500 francs par INTEGRA. La pièce la plus apparente était le disque de 35 centimètres de diamètre percé de 30 petits trous carrés disposés en spirale. Par l'intermédiaire d'une courroie de caoutchouc, il était entraîné par un moteur électrique asynchrone. Sa vitesse de rotation devait atteindre 750 tours minute. Le réglage fin de synchronisation se faisait au moyen d'un rhéostat et d'un frein mécanique dont le meilleur était souvent la main de l'opérateur.

Pendant quelques semaines, les "mordus" purent admirer dans un petit écran de 16x24 millimètres ou un grand écran de 24x36 !!, les images transmises par Radio-Lyon. La principale attraction était une jeune femme qui essayait une série de masques de carnaval.


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Radio-Lyon disparaît
1940-1952

1940 - La débâcle et les malheurs du pays. Radio-Lyon comme les autres stations françaises, est soumise à la censure. Elle devient directement ou indirectement instrument de propagande. Certains parlent de "Radio-Laval".

1942 - Les Allemands pénètrent en zone dite "libre" le 11 novembre. Cinq brouilleurs sont mis en service à Dardilly. Des émissions à destination des troupes sont diffusées plusieurs fois par jour. Par crainte de sabotages, cinq à six soldats sont détachés en permanence sur le site. Leurs rapports avec le personnel et la population sont corrects. Certains même participent "aux foins".


22 Août 1944 - Avant de quitter la région, chassées par l'armée de Lattre, les troupes d'occupation sabotent les émetteurs. Radio-Lyon n'est pas épargnée. Les gardiens qui ont reçu des ordres deviennent agressifs. Ils brisent les isolateurs, les instruments de mesure, détériorent les collecteurs des génératrices et des commutatrices à coups de marteau, percent les cuves des transformateurs... puis ils veulent abattre le pylône de 107 mètres, mais manquent de moyens et ne savent pas s'y prendre. L'opération mal menée risque être dangereuse pour les curieux qui arrivent en particulier des enfants, et pour les bâtiments. Le chef du matériel, Monsieur Ligier qui en est conscient, va chercher une clef spéciale de 13 kilos qu'il sait être adaptée pour dévisser l'un des haubans jusqu'au dernier filet. Le pylône tombe direction nord-est sans dommages pour l’environnement ; sauf quelques jardins potagers... si précieux à l’époque.


Après la libération, l'ingénieur en chef, André Jarre s'efforce de tout réparer dans les meilleurs délais; sorte de signal de revanche envoyé à l’ennemi. Une antenne à plusieurs fils (en nappe) est tendue horizontalement entre deux mâts en bois de vingt mètres de haut. Dardilly fonctionne à nouveau, même si sans son pylône sa portée est moins grande.


Mais Radio-Lyon fait naufrage. L'émetteur est placé sous séquestre en raison de la personnalité de son propriétaire principal condamné à mort. En plus une ordonnance signée à Alger par le Général de Gaulle en Juin 1944, décide que toutes les installations françaises de radio doivent être prises en charge par le commissaire à l'information. La station de Dardilly est incorporée au réseau des émetteurs français de l'Etat. Elle retransmet le "Programme National", "France Culture" de l'époque, sur 224 mètres - 25 kW. jusqu'en 1952.


Actuellement, le terrain appartiendrait toujours, dit-on à Madame de Chambrun, fille de Pierre Laval. En suivant la Nationale 7, à peu de distance de La Tour-de-Salvagny, on découvre les restes de RADIO-LYON. Le portail d'entrée en fer est rongé par la rouille; malgré les arbres qui ont poussé, on voit le bâtiment principal toujours debout, mais abandonné, vitrages brisés. Tristes vestiges de la plus ancienne radio privée régionale de France.

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